Vendredi 04 mars 2016

Il m’aura fallu du temps pour écrire cet article.

En effet, difficile de décrire et résumer ces journées. Mémorables? Inoubliables? Épiques? Rustiques? Qui piquent?

Un peu tout ça oui, et plus encore!

Nous voilà donc vendredi 4 mars. Aujourd’hui nous attend une journée de route vers le nord. Autrement dit, « la jungle », tadaaaammm! Le but est d’atteindre une sorte de parc aux éléphants tenu par un Français où on nous promet une aventure hors du commun en compagnie des animaux. Les jours suivants n’allaient pas démentir le caractère « hors du commun » de l’expérience. Au delà peut être de ce que nous attendions…

En route donc vers l’aventure!

En chemin, petite halte presque obligée au pont de la Rivière Kwaï rendu célèbre pour beaucoup d’entre nous par le film du même nom.

Un village devenu un spot à touristes avec marché pour touristes, autocars déversant leurs lots de visiteurs quotidiens venus photographier le fameux pont. En bande son, des classiques des Beatles et autres groupes anglais qu’une échoppe diffuse plein pot, ambiance!

Bref, petite photo puis on s’en va!

Un peu plus tard, notre chauffeur nous arrête dans un petit resto typique qui ne paye pas de mine où les plats coûtent deux fois rien mais finalement assez bons. Le chauffeur a bien roulé et vu l’heure, si on redémarre aussi vite, on arrivera trop tôt au parc. Traînassons donc en observant la vie autour de nous, les décorations kitsch et les pales du ventilateur qui tentent de nous apporter un brin de fraîcheur.

Finalement nous repartons et observons depuis notre camionnette climatisée les décors changer. La terre devient rouge, la végétation un peu plus dense, les rizières ont fait place aux champs de manioc, fraises, et arbres fruitiers. On sent qu’on s’est bien éloignés des villes mais ce n’est quand même pas la jungle impénétrable. On ne devrait par rencontrer Bagheera ou Sherkan tout de suite! Par contre, il est temps de répéter notre chanson de la patrouille des éléphants histoire de se mettre dans le bain. (Des éléphants?!)

Nous arrivons finalement bien plus vite que prévu et c’est peu dire car cela nous vaut un accueil détestable du cher Français François qui nous fait sentir on ne peut plus violemment que nous sommes arrivés trop tôt et que nous ne sommes pas les bienvenus. Sachant que nous sommes au milieu de nulle part et que l’on est partis à 8 h du mat’ pour arriver ici, ça commence plutôt mal. Nous voilà refroidis ou bouillonnants selon les caractères de chacun… Pour ceux qui connaissent mon papounet, vous imaginerez quel type de réaction fut la sienne….Tout en devant quand même la modérer car nous n’avions pas de plan B si cela tournait vraiment au vinaigre…

Et puis, cela faisait plus d’un an qu’on attendait ce parc aux éléphants. Imaginez la déconvenue…

Surtout que pour compléter le tableau, le lieu n’a rien d’idyllique au premier abord: cela ressemble plus à une cour de ferme thaïlandaise avec déchets, chiens, poules, poussières, et bazar en tout genre… Et on est supposés dormir là deux nuits? Arrivant de nos beaux petits hôtels super-confort de ces derniers jours, la transition est rude!

Finalement, au bout d’un moment, des éco-volontaires et d’autres gens qui gravitent autour du dit François viennent à nous pour nous accueillir et l’excuser, nous assurant que le personnage est Un Personnage, que c’est lui qui gère tout ici et qu’il a ses raisons d’être énervé mais qu’au fond c’est un chic type… Hum, ça reste à voir. Va falloir un certain temps pour que le malaise se dissipe… En contre-bas, très en contre-bas de notre cour de ferme, nous apercevons le lac et la barge sur laquelle nous sommes supposés dormir dans des chambres « de luxe ». C’est aussi dans ce lac qu’iront se baigner les éléphants un peu plus tard. Avec tout ça , on en oublie presque de s’émerveiller des animaux qui sont tout près de nous mais qu’on ose à peine regarder car ce n’est pas notre tour aujourd’hui mais celui d’autres touristes. Nous, ça sera demain.

Après un temps, le fameux proprio vient quand même parler avec nous un brin radouci mais sans vraiment s’excuser. Il a peut-être vaguement conscience qu’il y a été un peu fort et que notre groupe est légèrement particulier avec un enfant de 6 ans et Cédric en chaise…Ça va être compliqué dit-il de descendre jusqu’à la barge… Cédric qui est toujours furax ne desserre pas les dents et décide de tenter la descente quand même. Comme il ne compte pas monter sur un pachyderme demain, au moins sur la barge, il fait tranquille, le paysage est beau, le lac est juste à côté et il est loin des poules!

Nous descendons donc la prairie qui mène au lac. Sur les derniers mètres, le terrain devient boueux, des planches sont donc installées pour « faciliter » la marche puis une passerelle en bambou puis en métal puis la barge! Ouf! Une des chambres est prête, pas l’autre. Simple et rustique, entre les lattes du plancher on aperçoit l’eau du lac, original,… Pendant, que le fils du patron se hâte lentement à faire préparer la chambre de mes parents, nous assistons aux premières loges au bain de l’après-midi des éléphants et des touristes…Impressionnant. Ça promet pour demain!

Le soir, nous remontons pour le souper. Ce sont les éco-volontaires qui passent la semaine ici qui sont en charge d’encadrer les touristes tout au long de leur séjour. On comprend un peu pourquoi vu l’accueil qu’on a eu plus tôt! Ils sont très sympathiques et rassurants et nous promettent une journée non seulement inoubliable demain mais qui fera aussi oublier celle d’aujourd’hui …Beau challenge!

La salle de « restaurant » est dans la cour, grandes tables et bancs autour desquels se retrouvent tous les joyeux participants à l’aventure. Le « patron » avec ses cheveux permanentés blond platine fait de petites blagues en attendant le repas. Cédric trouve qu’on dirait un mec qui serait resté coincé à la période des bronzés n°1… C’est vrai que l’ambiance est très bizarre. Car, à côté de tous ces francophones (oui, car ce parc n’accueille que des francophones!) plus ou moins aventuriers, gravitent les « mahouts » qui comme leur nom ne l’indique pas sont ce que nous aurions appelé les « cornacs » c’est à dire les soigneurs attitrés des éléphants. Ce sont de très jeunes gars, birmano-thaÏs, qui vivent et travaillent là en permanence avec leur famille. S’ils excellent dans leurs relations avec les animaux, le soir c’est une bande de grands ados jouettes et turbulents…. Un peu étrange au premier abord, on a vraiment l’impression d’être dans une sorte de camp de vacances un peu crado…

Ça va aller! Perso, j’ai probablement fait pire et plus rustique il y a longtemps…

Le repas ne se passe pas si mal si ce n’est le bavardage incessant (et c’est moi qui le dit!) d’une Française qui sait tout sur tout sur les îles thaïlandaises ayant vécu un an là-bas..et ayant la critique facile sur les Thaïs et le reste du pays qu’elle vient tout juste de découvrir… »que des bouis-bouis », « ils ne savent pas servir dans les restos »,… Le genre de discours que j’adore quoi… D’autant que ce n’est vraiment pas notre ressenti depuis qu’on est arrivés dans ce pays.

En fin de soirée, « le François », revient vers nous pour un briefing et les consignes pour la journée de demain: « Surtout ne perdez pas votre temps à prendre une douche le matin, on va passer la journée à vous salir! Mettez des vêtements que vous pourriez jeter après, grasse mat’ jusque 6 h 56 car petit déj à 7 h tapantes… »

Bon ben y a plus qu’à redescendre jusqu’à notre radeau dans le noir (et les bêtes?!) pour prendre des forces pour demain!

Samedi 5 mars 2016.

Joyeux anniversaire papy! On s’en souviendra de celui-là!!!

Après une nuit d’enfer sur un lit de fakir, au son du ventilo et des coqs, nous remontons notre prairie vers la « salle du petit dej ». A peine arrivés, un tonitruant « Ça plane pour moi « (Oui oui , le hit planétaire de notre compatriote) est supposé nous réveiller et nous mettre de bonne humeur.

Toasts grillés, quelques fruits et une tasse de café et c’est parti!

La journée démarre par quelques bananes distribuées à une éléphante qui ne sera pas de la partie aujourd’hui car elle est blessée.

Une éléphante aussi élégante qu’elle soit ne mange pas poliment une banane à la fois mais ingurgite toute une grappe en une bouchée! Tenons-nous le pour dit!

Nous nous dirigeons ensuite vers la prairie où les animaux passent la nuit. Petit briefing sécurité histoire de ne pas se faire piétiner ou défigurer par un coup de queue. François nous explique l’histoire de chaque éléphant du parc. Il ne s’agit en effet que de femelles, celles ci posant apparemment moins de problèmes. Toutes ont été rachetées à des parcs à éléphants pour touristes, très fréquents dans le pays. Malheureusement, dans beaucoup de ces parcs, les animaux sont traités comme des esclaves, travaillant sans relâche, dressés à la dure à coups de bâton. Sous-nourris afin qu’ils ne soient pas trop difficiles à dompter mais aussi parce que nourrir un éléphant coûte très cher: ces petites bêtes mangent entre deux et trois cents kilos de nourriture par jour ! Sans compter les éventuels soins vétérinaires. Bref, une fois les animaux usés et trop affaiblis, les parcs les revendent. Et voici que 6 d’entre elles ont atterri ici et se sont retapées lentement. Chacune est différente, en look et en caractère.

Ensuite, c’est une petite anecdote sur chaque mahout qui nous est contée : gamins du village pour la plupart qui ont trouvé ici un job de rêve en compagnie des éléphants et dans une ambiance de colonie de vacances. Un autre vient d’un de ces parcs à touristes et en a eu marre de travailler comme ça. Un repenti.

Maintenant que les présentations sont faites, Il est temps d’attaquer les choses sérieuses! En selle! Enfin non, car il n’y en a pas. Ça se monte à cru et pas sur le dos pour nous mais juste derrière la tête sur le cou qui est plus étroit. Zoé est hissée sur une « petite » éléphante, prise en charge par celui des mahouts qui est, paraît-il, le plus doux avec les enfants. Pas trop rassurée à la fois par la hauteur et surtout par le fait d’être seule avec ce gaillard, elle part néanmoins en balade avec le reste du groupe. Je suis à pied histoire de surveiller la manœuvre. Mamy est elle aussi juchée sur l’un des éléphants dans une posture plus ou moins gracieuse. Papy et moi suivons à pied. Et Cédric? Lui, il est retourné sur la barge et nous observe de loin. Certains connaissent sans doute son peu d’amour pour les chevaux. Il a décidé qu’il en serait de même avec ces énormes quadrupèdes et que non, même si c’est possible, il ne tenterait pas le diable en montant dessus!

« Alors Zoé, c’est comment? »  » « C’est rugueux et il y a des poils qui picotent à travers les vêtements! »

Un peu plus loin dans la plaine, les volontaires nous demandent si tout le monde sait nager….Ça sent l’eau ça! Il est temps de sortir les brassards de Zoé qui finalement trouveront encore une utilité ici. Mamy, elle, tente de s’assurer que le mahout en charge de sa monture a bien compris qu’elle ne sait pas bien nager. Et encore moins sauter en vol d’un éléphant dans un lac aux eaux troubles…

Sur ce, moi, je monte à bord avec Zoé et nous voilà à trois en direction du lac…

Là, c’est une question d’état d’esprit et de contrôle de soi: soit on s’enfuit en courant à l’idée de rentrer tout habillée dans l’eau brunâtre du lac en compagnie de 5 éléphants pilotés par des gamins jouettes et d’y nager au milieu du crottin…. Soit on se dit que ça n’arrive qu’une fois dans sa vie, qu’on a des anticorps et que ça ne doit pas être si terrible! Le contact plus que rapproché avec l’éléphant est quand même quelque chose d’extraordinaire.

Une fois dans l’eau, le jeu consiste à faire s’asseoir les éléphantes ou les faire basculer d’un côté ou de l’autre ou plonger complètement histoire que nous nous retrouvions dans l’eau aussi. Celui de mamy est sage et seules ses jambes barbotent, tout va bien!

En sortant du bain du matin, nous prenons la direction du village de pêcheurs situé à quelques minutes de marche (surtout avec d’aussi grandes pattes!). Je découvre à mon tour la sensation de se promener sur cet engin. Effectivement, les petits poils hirsutes et durs qui se dressent sur la tête sont plutôt rêches et piquants comme une brosse dure. Les oreilles viennent régulièrement nous balayer les tibias délicatement d’un « flap » pas désagréable. L’équilibre est plutôt bon, même à trois et je trouve qu’en fin de compte c’est plus stable qu’un cheval, un âne ou une mule (je n’ai jamais testé le chameau) car l’éléphant marche d’un pas régulier et tranquille sans embardée et quand il a envie de grignoter quelque chose au sol, plutôt que de plonger en avant, il n’a qu’à tendre la trompe, pratique!

En entrant dans le village, Zoé constate:  « Ils doivent quand même être étonnés de me voir sur le dos de l’éléphant avec mes brassards de piscine rouges… En effet! Mais en même temps, ils voient passer tous les jours des touristes alors… Petite pause rafraîchissement sous les paillotes du marché. Les éléphants ont disparu, ils sont partis un peu plus loin se mettre à l’ombre. Sur ce, on nous embarque dans la benne d’un pick-up pour les rejoindre. Meuuh!

Cette fois papy montera aussi, histoire de ne pas mourir idiot et de se faire porter le jour de ses 64 ans…Retour tranquille « à la maison » pour la pause de midi. Avant de manger, j’aide à décharger le camion de branches de bananier pour le casse-croûte de nos montures. Pour nous, c’est repas et sieste en attendant qu’il fasse moins chaud.

Vers 15 h, c’est reparti. Nous commençons l’après midi par donner un peu de fortifiant aux « deux vieilles « : des boules de riz à la farine de manioc et au sel pour les stimuler à manger et à boire.

Le truc marrant c’est qu’il faut leur mettre les boules directement dans la bouche pour être certains qu’elles les mangent. Curieuse sensation que d’enfouir sa main dans la bouche d’un éléphant! La question que nous nous posons toujours est : mais où sont situées leurs dents?!

Une bonne et une mauvaise nouvelle: la bonne, c’est que nous ne nous sommes pas fait mordre, la mauvaise, c’est qu’on ne sait toujours pas où sont les dents!

« On y va, on y va? », Zoé fait des bonds avec ses brassards, tout ce qu’elle veut c’est retourner dans l’eau!

Et ben oui, on y retourne, pour le grand bain de l’après midi.

Cette fois c’est à côté de la barge où nous dormons pour faciliter les photos et vidéos. Cédric est aux 1 ères loges. Papy aussi car prétextant qu’il se mouche et crache depuis quelques jours et que donc le bain dans le lac n’est peut être pas idéal, il a fait l’impasse.

Cette fois, c’est la grande récré pour tout le monde avec bataille d’eau, abordage d’un  éléphant à l’autre, sauts depuis la tête de l’éléphant. Certains se font même catapulter par la trompe. Zoé s’éclate. Moi aussi même si c’est plutôt fatigant de chaque fois remonter sur le dos de la bête avec les vêtements trempés. Pfff!

Mamy qui n’aura pas été totalement mouillée croit bien s’en sortir jusqu’à ce qu’elle reçoive une jolie douche par la trompe de sa monture!

Il est temps de remonter nos compagnons vers leurs quartiers de nuit. Dernière petite balade. Zoé se couche littéralement sur la tête de sa nouvelle amie en lui faisant des grattouilles. On se demande ce qu’elle ressent vraiment à travers sa peau épaisse. Des petites pattes de fourmi?

Photo générale pour terminer puis chacun a droit à être soulevé par la trompe comme sur une balançoire…

Quelle expérience incroyable!

Evidemment, nous sommes cra-cra, mon t-shirt est bon pour la poubelle, on a probablement avalé quelques amibes mais ça valait le coup non?

Après la douche, nous avons droit à une balade reposante sur le lac en petit bateau. Le capitaine nous emmène voir des grottes, le coucher de soleil et nous passons au large de maisons flottantes que les pêcheurs déplacent sans doute au gré de leurs besoins. Ce sont de vraies maisons avec même des petits jardins mais elles flottent. La balade est plaisante même si pas trop confortable.

En rentrant, nous rencontrons les nouveaux, ceux qui grimperont demain sur les éléphants. A côté de chez nous, une famille qui fait le tour du monde… Une de plus quoi… Les enfants auront des choses à se raconter ce soir au souper…

Demain matin, on quitte cet endroit étrange pour une journée de voyage en direction de notre île du sud… Le changement s’annonce radical!